"Au secours, une demande ad hoc"
Les équipes business et data peuvent arrêter de les redouter... comment ?
Une demande du marketing à son équipe data, ça ressemble souvent à ce qui suit. Est-ce que ça vous rappelle quelque chose ?
EVA :
Hello Tom, j'espère que tu vas bien ! Je sors de copil marketing, on me demande de donner asap une vision sur les accessoires enfant de la nouvelle co
Est-ce que tu peux m'extraire les données sur les produits de cette liste ? C'est urgent, tu penses pouvoir m'envoyer ça avant midi ?
Merciii !!!!
TOM :
Salut Eva, de quelles données as-tu besoin ? Depuis quand ?
Tes codes produits ne sont pas très clean 🫤
EVA :
Magasin, produit, CA, volume, marge, # de magasins qui vendent le produit, on veut savoir aussi si ils les ont bien commandés… Je ne sais pas trop, mets tout si tu peux.
TOM :
Ca fait pas mal de choses ça Eva... Il faudrait que tu me donnes un peu plus de visibilité.
EVA :
Je sais, mais vous êtes les pros de la data science 😉 Pour l'instant on va se débrouiller avec l'Excel brut, est-ce que pour la semaine prochaine tu pourrais mettre ça dans notre Excel de suivi ? Merciii !!!!
<kpis_nvelleco_v3_def.xlsx>
TOM :
On va voir ce qu'on peut faire, on revient vers toi…
C'est peut-être caricatural, mais pas si éloigné de la réalité.
On appelle ça une demande ad hoc. Qu’est-ce qui s’est passé ici ?
1. Une question métier apparaît, du fait de résultats récents, de la prise de conscience d'une tendance, d'un contexte commercial nouveau...
2. Le métier la traduit (plus ou moins bien) en un besoin de données
3. Une demande d'extraction de données atterrit dans les équipes data sous la forme d'une demande d'extraction, pas toujours contextualisée, et souvent mal vécue.
Et dans une grande organisation, ce genre de demandes inattendues est bien souvent quotidien !
La position d'Eva n'est pas simple.
Le management d'Eva lui demande implicitement de fournir un regard critique sur les performances de la nouvelle collection. Elle a pu avoir quelques impressions et opinions personnelles de collaborateurs magasins, rien de plus, et elle ne sait pas quelles questions on va lui poser au prochain COPIL.
Tom a accès aux données. Eva, elle, n'a peut-être qu'un accès limité à certains agrégats prédéfinis, via un outil qu'elle ne maîtrise pas. Ou n'a pas du tout accès à la donnée.
Ses collègues lui ont dit que la data était là pour ça, donc elle demande.
De plus, elle n'a pas trop de temps, parce qu'elle doit aussi sortir un brief pour l'agence de communication d'ici 14h.
Tom se retrouve également dans une situation très inconfortable.
Par définition, la demande n'a pas été planifiée.
Elle est urgente.
Eva n'a pas conscience du nombre de sources convoquées par chacun des indicateurs demandés.
Plusieurs hypothèses ne sont pas exprimées et peuvent amener à de mauvaises interprétations.
Eva présente une liste statique de codes produits à prendre en compte. Sont-ils valides ? Vont-ils changer la semaine prochaine ?
Eva n'a pas cherché à creuser la problématique métier avec Tom et l'empêche donc d'être plus pertinent et autonome pour la prochaine demande.
Le sentiment de Tom est donné par Seth Rosen dans un tweet qui a été beaucoup repris dans la sphère data :
Them: Can you just quickly pull this data for me?
Me: Sure, let me just:
SELECT * FROM some_ideal_clean_and_pristine.table_that_you_think_exists
Qu'est-ce qui pourrait se passer après cette conversation ?
Tom va, à contrecoeur, réaliser une extraction en faisant des hypothèses lui-même
Eva va s'apercevoir que ce n'est pas tout à fait ce qu'il lui faut, et va demander à Tom de relancer l'extraction. Potentiellement plusieurs fois.
La liste de codes produits va changer la semaine prochaine, et Tom va devoir implémenter un pipeline basé sur un fichier Excel plus ou moins bien maintenu manuellement
Tom et ses collègues vont chercher à maîtriser ce genre de demandes en établissant une interface de description de demande qui va être incompréhensible pour le métier, va agrandir le fossé entre les deux équipes, et rendre la relation encore plus déshumanisée et transactionnelle. Peut-être Eva devra-t-elle avoir un code budgétaire à fournir pour que Tom puisse traiter sa demande.
Eva n'aura plus vraiment envie de travailler avec la data et aura du mal à justifier leur valeur ajoutée.
Alors rembobinons, et imaginons une nouvelle conversation entre Eva et Tom :
EVA :
Hello Tom, j'espère que tu vas bien ! Je sors de copil marketing, on me demande de donner asap une vision sur les accessoires enfant de la nouvelle co.
Est-ce qu'on peut regarder ensemble ?
TOM :
Salut Eva, ok ! Est-ce que la direction a déjà précisé un axe de mesure ? Une collection à laquelle comparer celle-ci ? On a lancé une première collection enfant mais c'était une collab, je ne sais pas si c'est une bonne référence.
EVA :
Non tu as raison, on ne va pas la prendre comme référence. On voudrait plutôt comparer ce lancement à la collection d'accessoires femme qu'on a lancée en même temps, et regarder le cross-sell des accessoires avec le reste de la mode enfant.
TOM :
Ok je comprends ! Peux-tu me donner le périmètre pour cette étude : période, produits ? Pour le cross-sell, on reprend bien les métriques du wiki ?
EVA :
Oui oui, on ne montrera pas de chiffres de cross-sell sans inclure la Confiance et le Lift.
Tout est maintenu par les équipes produits, tu as les dates de début et fin et l'assortiment actif dans les données qu'ils mettent à disposition.
TOM :
Parfait, j'ai tout ce qu'il me faut ! Sous quelle forme et à quelle fréquence auras-tu besoin de consommer ces données ?
EVA :
Pour cette collection on va voir ce que ça donne comme ça, si tu peux mettre à jour un datamart chaque semaine avec les volumes hebdo par produit et le cross sell accessoires > mode c'est parfait. Je ferai les adaptations dans PowerBI en direct suivant ce qu'on me demande.
Si ça plaît bien par contre on pourra prendre un moment pour voir comment pérenniser ça ?
TOM :
Avec ces infos on peut te sortir une première version avant midi sur les données de la semaine dernière. Ok pour la suite, mon agenda est à jour !
Que vient-il de se passer entre Eva et Tom ? En quoi cette conversation est-elle bien plus vertueuse que la première ? A vos claviers, et j’en reparlerai dans le prochain article “Anatomie d’une requête ad hoc”.
Pour terminer ce premier article, voici la “Business Value Box” d’aujourd’hui. Je tâcherai d’en inclure une à la fin de chaque article, et voici ce qu’elle contient :
Le TL;DR (Too Long, Didn’t Read) de l’article
En quoi ce sujet est lié à des revenus plus élevés
En quoi ce sujet est lié à des coûts plus faibles
En quoi ce sujet est lié à la maîtrise des risques
================== !!!BUSINESS VALUE BOX!!! ================
TL;DR
Dans l'article d'aujourd'hui, nous avons montré à quoi ressemble une demande ad hoc qui n'est pas si caricaturale, pourquoi elle est mauvaise et inefficace pour les équipes business et techniques. Nous avons également esquissé à quoi devrait ressembler une bien meilleure conversation autour d'une demande ad hoc.
Comment ce sujet est-il lié à l'augmentation des revenus ?
Fertilisation croisée entre les sujets commerciaux
L’équipe data reçoit probablement des demandes de toute une direction, voire de l'ensemble de l'entreprise. Une plus grande exposition au contexte business de chaque demande leur permet de connecter différentes demandes. Par exemple, "Nous parlons de définir les niveaux de tarification des magasins pour différentes régions, mais saviez-vous que nous avons travaillé sur une segmentation multi-fonctionnelle des magasins pour les équipes offre ? Est-ce que vous voudriez voir à quoi ça ressemble ?"
Réduction du time to insight > réduction du time to market
Lors de la conception de vos prochaines actions, vous avez besoin (j’espère) de données et d’insights. En favorisant une communication efficace entre les équipes business et data, les informations sont construites plus rapidement et vous pouvez itérer plus rapidement vers vos nouvelles actions. Je parie que si chaque itération est un enchaînement d’échanges où personnes ne se comprend, vous aboutirez à une solution peu creusée, ce qui conduit statistiquement à de mauvaises décisions.
Comment ce sujet est-il lié à la réduction des coûts ?
Moins de malentendus > convergence plus rapide > réduction des coûts
Comment ce sujet est-il lié à la maîtrise des risques ?
Une communication plus efficace ne permet pas exactement de réduire les risques en soi, mais nous approfondirons plus tard comment les bases d'une communication plus efficace - la gestion des connaissances (y compris le catalogue de données et la documentation de l'entreprise), la gestion des données de base - soutiennent des processus moins sujets aux erreurs et une réduction de l'exposition aux risques.
================== !!!BUSINESS VALUE BOX!!! ================
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