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Salut à tous,
Décidément, Luca de Meo est en train de redorer le blason de Renault.
En témoigne une de ses dernières sorties, pendant laquelle il a courageusement donné son avis sur les pickups électriques : selon lui “cela ne sert à rien d’avoir 200 kWh dans un pickup. Cela n’a aucun sens.”
Si je dis que c’est courageux, c’est car en disant ça, il se prive d’un segment de marché lucratif.
Un segment de marché que Stellantis, le grand rival de Renault, ne s’est pas privé d’attaquer en construisant un pickup électrique gargantuesque pour sa marque non moins gargantuesque RAM.
Une marque qui rassemble à peu près tout ce que l’Amérique fait de pire.
Mais en disant ça, Luca de Meo est encore un peu timide. Il pourrait largement descendre le chiffre des 200 kWh de batterie, en l’abaissant par exemple à 100 kWh. Il pourrait dire, à raison, que 100 kWh de batteries ne servent à rien.
Et il pourrait aussi rajouter que 100 kWh de batterie, ça ne va pas tenir longtemps.
Alors que 100 kWh de batteries, ça semble être la tendance qui est prise par de nombreux constructeurs de voitures électriques pour atteindre la sempiternelle autonomie de 500 km.
Et oui ! N’en déplaise au transfuge de Renault qui a presque vendu femmes et enfants pour prendre les rênes de Stellantis, il est physiquement impossible de faire perdurer une industrie automobile qui produit des voitures électriques à 100 kWh de batterie.
La raison de cette impossibilité est strictement la même que la raison de l’impossibilité de faire perdurer indéfiniment les voitures thermiques.
Ici, en premier lieu, on pourrait se dire que c’est un enjeu climatique.
Car on sait pertinemment que la production des batteries lithium-ion émet des gaz à effet de serre (quelque-chose comme 75 kgCO2eq/kWh). Et on sait que pour éviter de bouillir dans une atmosphère ardente, nous allons être forcés de diviser par 2 nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2035.
Sachant tout ça, on pourrait se dire que les batteries de 100 kWh vers lesquelles toute l’industrie automobile semble tendre sont incompatibles avec une politique climatique raisonnable.
Le problème, c’est que ça ne se vérifie pas si bien que ça.
Je me suis en effet amusé (que voulez-vous…) à comparer les émissions mondiales de gaz à effet de serre lors de la production des voitures électriques avec les objectifs d’émissions de gaz à effet de serre pour limiter le changement climatique.
Les résultats de cette comparaison sont visibles dans ce graphique :
(Mes hypothèses, volontairement défavorables :
- On passe du jour au lendemain à un taux de pénétration de 100% des voitures électriques,
- Elles embarquent toutes une batterie de 100 kWh,
- Il n’y a aucun progrès sur l’intensité carbone des batteries,
- Le nombre de voitures vendues dans le monde tous les ans reste stable à 87 millions,
- Et les transports représentent pour 30% des émissions de gaz à effet de serres.)
Ce qu’on peut tirer de ce graphique est simple.
C’est que les émissions de gaz à effet de serre générées par la production seule des batteries de 100 kWh sont faibles. Tout au plus, elles représentent 8% du budget en gaz à effet de serre qui est consacré aux transports.
C’est suffisamment bas pour que personne ne s’en inquiète.
Et par là, c’est beaucoup trop bas pour convaincre les fabricants de pickups obèses de ne pas se jeter dans l’escalade aux kWh (les pickups sont obèses, pas les fabricants, avec tout mon respect).
Ce n’est donc pas avec des arguments climatiques que nous pourrons convaincre ces patrons déchaînés.
Mais c’est un autre argument qui pourrait faire pencher la balance.
Cet argument, c’est qu’on n’a pas assez de lithium pour alimenter tous les ans les batteries de 100 kWh de 87 millions de voitures électriques.
Le calcul est en effet très simple : aujourd’hui, les réserves connues en lithium s’élèvent à environ 22 000 000 000 kg. Vous remarquerez que volontairement, depuis le début, j’utilise des très grands chiffres plutôt que d’utiliser les giga ou les méga. Je veux faire ressentir l’ampleur des quantités.
À ça, ajoutons que la quantité de lithium dans 1 kWh de batterie lithium-ion est d’environ 0,11 kg.
Dès lors, on peut tracer une courbe qui reprend les mêmes hypothèses que celles qui ont été dites plus tôt, mais qui regardent cette fois l’évolution des réserves en lithium (en posant l’hypothèse qu’elles n’évolueront pas significativement).
Et c’est là qu’on comprend que ça risque de coincer.
Car si on produit dès demain 87 millions de voitures électriques de 100 kWh tous les ans (ce qui est une hypothèse absurde mais qui permet de comprendre l’urgence des choses), voilà à quoi ressembleront les réserves de lithium jusqu’à 2035 :
Elles s’amenuiseront à une vitesse affolante.
Et en seulement 11 ans, on les aura divisées par 2. Alors même qu’ici, nous ne parlons que du lithium nécessaire pour propulser les voitures électriques. Nous passons sous silence le lithium que nous souhaiterons utiliser dans d’autres usages, évidemment nombreux.
Sous ce prisme, il apparaît donc évident que nous sommes en train de reproduire les erreurs du passé, où nous avons creusé dans la ressource pétrolière en sachant pertinemment qu’elle n’était pas infinie, mais sans nous soucier une seule seconde de ce qui se passerait après.
Mais il y a une différence avec le passé.
C’est que dans l’hypothèse où les réserves de lithium n’évoluent pas significativement (c’est-à-dire qu’elles ne vont pas être multipliées par 10 dans les prochaines décennies), nous ne pourrons pas produire que des voitures de 100 kW de batterie.
Nous allons devoir nécessairement réduire la taille moyenne des batteries à destination des véhicules électriques, pour ne pas trop creuser dans les réserves de lithium.
Et nous allons être forcés de le faire dès demain, pour ne pas se retrouver à court de lithium.
Alors au diable ce que d’aucuns appellent les tanks électriques. L’avenir est aux véhicules électriques intermédiaire, au recyclage des minerais critiques, à la mobilité douce, et aux batteries de seconde vie.
L’avenir, donc, est à nous !
Bonne fin de semaine,
Julien
P.S. : Un revirement assez exceptionnel vient de se passer dans la vie d’Ambre. Je vais devoir le garder confidentiel pendant quelque temps, mais les membres du Club des Pionniers seront mis dans la confidence dans le rapport hebdomadaire de ce dimanche.
Et pourtant, c'est si bête quand on y pense...
En tout cas, quel teasing ! La tension est a son comble !
Loin de moi l'idée de paraphraser un célèbre dinosaure du PAF, mais VIVEMENT DIMANCHE !
Merci de dire tout haut, ce que je hurle à tue-tête et à tous bouts de champs depuis des années !