👁🗨 Reconstruire Gush Katif : le projet de retour des colons juifs à Gaza
Le clan messianique des colons d'Israël tient désormais les rênes du pouvoir & il incombe au Hamas & autres factions de la résistance d'enrayer le nettoyage ethnique & la grande guerre extrémiste.
👁🗨 Reconstruire Gush Katif : le projet de retour des colons juifs à Gaza
Par William Van Wagenen, le 13 décembre 2023
Face au défi monumental que représente la résistance contre les forces d'occupation soutenues par les États-Unis, il incombe au Hamas et aux autres factions de la résistance palestinienne de contrecarrer toute avancée de la “révolution messianique” d'Israël à Gaza.
Près de trois semaines après l'invasion terrestre sanglante de Gaza par Israël, un soldat israélien a tourné une vidéo depuis l'intérieur de l'enclave bombardée et assiégée, s'exclamant : “Nous accomplirons la mission qui nous a été confiée. Conquérir, expulser et coloniser. Tu entends ça, Bibi ?”
Deux mois après l'assaut aérien de Tel-Aviv sur Gaza, les objectifs finaux ne sont toujours pas clairs. CNN a révélé que le “plan initial” d'Israël pour la guerre était de “raser Gaza”. Le ministre israélien Ron Dermer a proposé un plan visant à “réduire” la population de Gaza en forçant les civils à fuir vers l'Égypte par voie terrestre, ou vers d'autres régions d'Afrique et d'Europe par bateau, car “la mer leur est ouverte”.
Ce qui est certain, c'est que cette campagne de bombardements israéliens sur Gaza ne ressemble à aucune autre. Lors des campagnes précédentes, les Israéliens ont fait appel à des médiateurs internationaux "dès le premier jour" pour obtenir un cessez-le-feu en quelques jours ou quelques semaines.
Cette fois-ci, cependant, les Israéliens et leurs supporters américains ne veulent absolument pas d'un cessez-le-feu. Si leurs objectifs finaux pour Gaza ont changé au cours de ce conflit, il est essentiel de noter que les plans de Tel-Aviv pour l'avenir peuvent être totalement différents de ceux de Washington. Pour faire simple, Israël n'a jamais eu de gouvernement aussi à droite que celui que le Premier ministre Benjamin Netanyahou a mis en place, un gouvernement qui regorge de fondamentalistes religieux et de ferveur messianique.
Les projets de "reconquête" de Gaza
Les racines de la campagne actuelle d'Israël pour conquérir Gaza et nettoyer ethniquement ses 2,3 millions d'habitants palestiniens remontent à près de vingt ans, avec l'évacuation du bloc de colonies de Gush Katif en 2005 [regroupement de colonies israéliennes au Sud de la bande de Gaza, de 1967 à 2005].
Cette mesure, orchestrée par le Premier ministre de l'époque, Ariel Sharon, visait à poursuivre la colonisation juive et l'occupation militaire de la Cisjordanie occupée, mais elle a été perçue comme une trahison par le mouvement des colons religieux de l'extrême droite israélienne.
C'est Ariel Sharon, “le père des colonies”, qui a conçu le désengagement de Gaza afin de garantir la poursuite de la colonisation juive et de l'occupation militaire de la Cisjordanie, mais le mouvement des colons religieux l'a qualifié de traître pour avoir renoncé à la “terre juive”, tout comme il a qualifié l'ancien Premier ministre Yitzhak Rabin de traître pour avoir signé les accords d'Oslo en vue de la création d'un État palestinien.
Rabin a été assassiné par l'extrémiste juif Yigal Amir en 1995, dans un acte publiquement encouragé par un jeune mais éminent activiste religieux, Itamar Ben Gvir.
Un autre jeune colon religieux, Bezalel Smotrich, avait été arrêté pour s'être opposé à la politique de désengagement de Sharon. Pour empêcher le désengagement de Gaza, Smotrich voulait faire exploser des voitures sur l'autoroute Ayalon, à l'heure de pointe, en utilisant 700 litres d'essence.
Les deux hommes sont aujourd'hui des alliés et idéologues de premier plan au sein de la coalition gouvernementale extrémiste de Netanyahou.
Au cours des 18 années suivantes, le Likoud et le mouvement des colons religieux, dirigés par des personnages tels que Ben Gvir et Smotrich, ont rêvé de reconquérir Gaza pour reconstruire Gush Katif. Cette entreprise consisterait à achever l'expulsion initiée par les milices sionistes en 1948, comme le note l'historien israélien Benny Morris, en forçant les Gazaouis à l'exil et en empêchant leur retour.
En 2010, M. Netanyahu, alors Premier ministre, et Gila Gamliel, membre de la Knesset (MK), tous deux membres du Likoud, ont proposé à feu le président égyptien Hosni Moubarak d'installer les Palestiniens dans la péninsule du Sinaï dans le cadre d'un échange de terres lié à l'accord de paix.
Après avoir déclaré : “Je ne suis même pas disposé à écouter ce genre de propositions”, Moubarak a été renversé lors d'une révolution colorée orchestrée par les États-Unis, dans le cadre du “printemps arabe”, comme on l'a appelé dans l'ensemble de la région.
M. Netanyahou a proposé un accord similaire au successeur de M. Moubarak, Mohammad Morsi, en 2012, et au successeur de M. Morsi, Abdel Fatah al-Sisi, en 2014, mais ces propositions ont abouti aux mêmes résultats.
En 2014, lors de l'assaut brutal de 51 jours d'Israël sur Gaza, Netanyahou a cherché à obtenir l'intervention des États-Unis auprès de Sisi pour proposer l'installation des Palestiniens dans le Sinaï, mais il n'a obtenu aucun résultat. Plus de 2 300 civils ont été tués lors de cette opération militaire - une autre des campagnes israéliennes de “fauchage de mauvaise herbe” visant à infliger des revers à la résistance, sans pour autant réaliser la moindre victoire significative contre le Hamas.
Le plan prend forme
En juin 2018, des rapports ont fait surface au sujet d'un nouveau plan de l'armée israélienne visant à “créer un changement considérable s'il est nécessaire de lancer une campagne majeure dans la bande de Gaza”. Cela impliquerait de passer d'un bombardement temporaire à des missions offensives impliquant des unités d'élite qui “entreront dans Gaza et la couperont en deux, voire en occuperont des parties significatives.”
Entre-temps, en 2019, des colons fondamentalistes comme Ben Gvir ont continué à exprimer leur fervent désir de raser Gaza et de reconstruire Gush Katif.
Avant les élections de 2022 à la Knesset, trois partis politiques d'extrême droite se sont unis pour former la Coalition du Sionisme Religieux. Il s'agit du Religious Zionism, dirigé par Smotrich, du Otzma Yehudit (Jewish Power), dirigé par Ben Gvir, et de Noam, un petit parti ultra-orthodoxe.
En juillet 2022, le candidat sioniste religieux Arnon Segal a écrit lors de son annonce de campagne : “Il est temps de commencer à planifier un retour à Gush Katif”.
“Oui, écrivait-il, pour y retourner physiquement et le reconstruire.”
En septembre, à l'approche des élections, i24 News, un média proche de Netanyahou, a abordé la question de Gush Katif, la qualifiant de “blessure à vif”, une “plaie encore ouverte” pour les Israéliens.
“C'est un traumatisme”, a déclaré un Israélien nommé Hillel, cité par i24 News. “Le pays tout entier a souffert.”
La “légalité” du retour des colons
L'effort de reconstruction de Gush Katif a coïncidé avec un changement significatif de la situation à Gaza, lorsque M. Netanyahu est devenu Premier ministre pour la sixième fois à l'issue des élections de décembre 2022. Après une année de vacance du pouvoir, M. Netanyahou a formé une coalition entre son parti, le Likoud, et la Coalition pour le Sionisme Religieux.
L'accord conclu avec Netanyahou a permis à Ben Gvir de devenir ministre de la Sécurité nationale, tandis que Smotrich a été nommé à la fois ministre des Finances et ministre du ministère israélien de la Défense responsable de l'administration civile en Cisjordanie occupée.
Sous leur direction, l'État d'occupation a rapidement intensifié les raids militaires contre les groupes de résistance palestiniens, accéléré la construction de colonies juives, et lancé des appels à l'annexion de la Cisjordanie.
Alors que la violence s'intensifiait en mars 2023, la coalition Likoud-Sionisme Religieux a discrètement annulé un aspect crucial du désengagement de Gaza de 2005. Le plan de retrait initial de Sharon prévoyait l'abandon de quatre petites colonies dans le nord de la Cisjordanie en raison de problèmes de sécurité.
Toutefois, la Knesset a adopté le 21 mars un amendement à la législation sur le désengagement permettant aux colons juifs de retourner dans ces colonies évacuées en ouvrant la voie à leur restructuration.
Après le vote, MK Limor Son Har-Melech du parti “Jewish Power” a déclaré :
“Nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers ou l'euphorie du moment”. Nous devons également nous stimuler pour “retourner chez nous dans la région de Gush Katif, abandonnée [en 2005] dans un acte de terrible folie”.
La ministre des missions nationales, Orit Strock, du parti du sionisme religieux, a lancé un appel similaire, déclarant à la chaîne israélienne Channel 7 :
“Je crois qu'en fin de compte, le péché du désengagement va être effacé”.
Elle a laissé entendre qu'il faudrait pour cela entrer en guerre, ajoutant que “malheureusement, un retour dans la bande de Gaza ferait de nombreuses victimes”. En réponse, l'ONG de gauche Peace Now a lancé un avertissement :
“Une révolution messianique est en cours. Ce gouvernement détruira inévitablement notre pays. Il aggravera également l'occupation, embrasera la région et établira un régime juif suprématiste de la rivière à la mer”.
La Nakba de Gaza
Au lendemain de l'opération de résistance palestinienne “Al-Aqsa Flood” du 7 octobre, une avalanche de propagande et de “fake news” a suscité l'indignation publique requise pour justifier le recours à une violence écrasante non seulement contre le Hamas, mais aussi contre tous les habitants de Gaza, et pour mettre en œuvre les plans de retour à Gush Katif.
Les appels publics à commettre un génocide contre les habitants de Gaza se sont répandus parmi les politiciens, les journalistes et les célébrités israéliens.
Israël a saisi l'occasion et a lancé une campagne de bombardements massifs sur Gaza, en exigeant que les Palestiniens évacuent la moitié nord de l'enclave assiégée, une région où vivaient 1,1 million de personnes, soit environ la moitié de la population du territoire, dans un délai de 24 heures.
L'ancien vice-ministre israélien des Affaires étrangères et diplomate de haut rang Danny Ayalon a écrit sur les réseaux sociaux que les habitants de Gaza devaient non seulement se rendre dans le sud de la bande de Gaza, mais aussi fuir vers l'Égypte :
“Nous ne disons pas aux habitants de Gaza d'aller sur les plages ou de se noyer... Non, Dieu nous en préserve... Qu'ils aillent dans le désert du Sinaï... La communauté internationale leur construira des villes et leur donnera de la nourriture... L'Égypte devrait jouer le jeu.”
Cette exigence israélienne de voir les Palestiniens fuir en Égypte s'est accompagnée de la publication, le 13 octobre, d'un rapport du ministère israélien du Renseignement, dirigé par le député Gamliel du Likoud.
Manifestement préparé avant les événements du 7 octobre, ce rapport recommande l'occupation de Gaza et le transfert total de ses 2,3 millions d'habitants dans la péninsule égyptienne du Sinaï, tout en insistant sur le fait qu'ils ne seront jamais autorisés à revenir.
En outre, le plan indique que le gouvernement devra lancer une campagne de relations publiques à destination de l'Occident afin de promouvoir le nettoyage ethnique d'une manière qui n'encourage pas l'hostilité internationale à l'égard d'Israël, et qui ne porte pas atteinte à sa réputation déjà bien ternie.
La déportation massive de la population de Gaza devait être présentée comme une mesure humanitaire nécessaire pour obtenir le soutien de la communauté internationale, selon le rapport. Une telle déportation pourrait être justifiée si elle entraîne “moins de victimes parmi la population civile que si elle reste sur place”.
L'horrible campagne de bombardements israélienne s'est poursuivie, garantissant que le nombre de victimes serait effectivement massif.
Le 27 octobre, après que 7 028 Palestiniens - dont 2 913 enfants - eurent été tués, Israël a lancé son invasion terrestre de Gaza, prévue de longue date.
Une semaine plus tard, le rabbin d'une unité de l'armée israélienne a prononcé un discours enthousiaste à l'intention des troupes :
“Cette terre est la nôtre... toute la terre, y compris Gaza, y compris le Liban, et toute la Terre promise ! Gush Katif est minuscule comparé à ce que nous réaliserons avec l'aide de Dieu !”
Comme le prévoyaitt le plan de 2018 établi par les dirigeants militaires, les troupes d'invasion israéliennes ont rapidement coupé la bande de Gaza en deux, tout en envahissant le nord en longeant la côte.
Après avoir planté un drapeau israélien dans le sable sur la plage de Gaza, un commandant israélien a dit à ses troupes :
“Nous sommes revenus, nous en avons été chassés il y a près de 20 ans... C'est notre terre ! Et c'est ça la victoire, revenir sur nos terres”.
Alors que les soldats israéliens faisaient la fête à Gaza, des députés du Likoud ont présenté, le 8 novembre, un projet de loi visant à modifier une nouvelle fois la loi de 2005 sur le désengagement, cette fois pour “abroger la loi qui interdit aux Juifs d'entrer dans la bande de Gaza”.
Trois jours plus tard, Danny Danon, ancien ambassadeur d'Israël à l'ONU, et Ram Ben Barak, ancien directeur adjoint du Mossad, le service de Renseignement extérieur israélien, ont publié un article dans le Wall Street Journal préconisant l'expulsion des Palestiniens de Gaza, tout en invoquant des motivations humanitaires, comme le prévoyait le plan du ministère du Renseignement.
Pressentant que son rêve de nettoyage ethnique de Gaza et de reconstruction de Gush Katif sur les cadavres d'enfants palestiniens était sur le point de se réaliser, Bezalel Smotrich a salué la proposition, déclarant que “ceci est une solution humanitaire”.
L'ancienne ministre de la justice, Ayelet Shaked, a également salué la démarche, mais s'est montrée moins discrète, s'exclamant à la télévision israélienne :
“Après avoir transformé Khan Yunis en terrain de football [...] nous devons profiter de ces destructions [pour dire] à certains pays que chacun d'entre eux doit accueillir un quota de réfugiés, qu'il s'agisse de 20 000 ou de 50 000 personnes [...] Il faut que 2 millions de personnes quittent la bande de Gaza. C'est la solution pour Gaza”.
Face au défi monumental que représente la résistance contre les forces d'occupation soutenues par les États-Unis, il incombe au Hamas et aux autres factions de la résistance palestinienne de contrecarrer toute avancée de la “révolution messianique” d'Israël à Gaza.
https://new.thecradle.co/articles/rebuilding-gush-katif-the-scheme-to-return-jewish-settlers-to-gaza